Depuis mes toutes premières recherches sur la Norvège, alors que je préparais mon voyage en 2017, j’ai développé une relation obsessionnelle avec l’archipel des Îles Lofoten. Ces petits monticules de terre qui s’écartent du continent scandinave à quelques kilomètres au-dessus du cercle polaire étaient devenus un idéal pour moi, comme une fin au bout d’un chemin. Les Lofoten, mais également la Norvège en général, étant une zone particulièrement onéreuse, je n’ai pu m’atteler à ce voyage que sept années plus tard, en 2024. Oslo, Bergen, Tromsø, Trondheim, Flåm, Geiranger, Finnskogen, Ålesund, Hellesylt, Sommarøy, Jotunheimen, j’avais vu beaucoup de choses dans le pays des trolls sans jamais trouver une opportunité de réaliser mon rêve. Tout vient finalement à point à qui sait attendre, puisqu’un hôtel-restaurant a bien voulu m’accueillir en workaway en cette fin de printemps 2024, entre mai et juin plus précisément, me permettant ainsi de mettre un point final à mes aventures en solo dans ce pays. Si mon hôte n’était pas techniquement dans les Lofoten (vous le verrez dans un futur article sur la région d’Andøy), j’en étais à ses portes.

L’avantage de partir aussi haut à cette époque de l’année, c’est la disparition d’une des problématiques de la randonnée à la journée : rentrer avant la nuit. En effet, le premier soleil de minuit s’était dévoilé le 21 mai et permettait à toute cette zone de rester parfaitement éclairée 24h/24 jusqu’à la mi-août. Au cours de mes deux petits mois de travail-exploration, j’ai pu effectuer plusieurs excursions de deux à trois jours dans les îles afin de pouvoir visiter un maximum d’endroits différents. Si je n’ai évidemment pas pu être exhaustif, j’ai essayé de prendre le plus de plaisir possible à travers les six randonnées que je vais vous exposer dans cette série de trois articles.

Les montagnes des Lofoten ne sont pas très grandes – entre 400m et 600m pour les plus célèbres (je n’ai hélas pas fait de balade obscure qu’un insulaire m’aurait indiquée en secret) – mais les chemins qui mènent à leur sommet sont très raides. Il n’y a pas de longs lacets qui aident la digestion du dénivelé et très peu d’ascensions progressives. De ce fait, mes randonnées furent assez brèves, entre une et deux heures de marche pour l’ascension, et assez intenses. La difficulté a été de ne pas prendre de risques par rapport à la dangerosité de certains passages – conditions météos changeantes et souvent pluvieuses, neige à peine fondue ou encore présente – et de gérer la difficulté d’avoir aux pieds des Under Armor de course à pied (très confortables et bon maintient de la cheville, mais plates en dessous) et non mes chaussures de montagne Tecnica habituelles.

NDR : Tous les points de départ des randonnées ont été rejoints à pied ou en transports en commun via l’application Reis Nordland. Trois avions pour s’y rendre, mais zéro voiture une fois sur place, tel est l’inconfortable paradoxe sur lequel j’ai choisi de faire l’équilibriste.

Leknes se trouve sur la commune de Vestvagøy, la deuxième commune des Lofoten en partant de l’Est. Elle est surtout connue pour le musée Viking de Lofotr dans lequel on peut retrouver la reconstitution de la maison d’un jarl ainsi que deux drakkars. La ville en elle-même n’est pas fameuse fameuse, avec un centre un peu laissé à l’abandon et une pauvreté dans les possibilités de restauration/café (je conseillerais tout de même la Lofoten Bakeri), mais elle reste l’un des points de chute les plus judicieux pour les randonnées environnantes, notamment grâce aux nombreuses lignes de bus qui y passent.

Deux randonnées au départ de Svolvær (à venir)

Deux randonnées au départ de Moskenes (à venir)

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Offersøykammen, le miracle

Il s’agit de la toute première randonnée à laquelle je me suis attelé dans les Lofoten. Après l’avoir repoussée de vingt-quatre heures à cause d’un temps pluvieux, je me suis fait violence lors de mon deuxième et dernier matin…sous la neige. Puis la grêle. Puis la neige de nouveau, la pluie et la neige, le brouillard et, finalement, un bref instant de grâce une fois en haut.

Offersøykammen n’est ni très longue, ni très difficile, mais elle a su me surprendre de plusieurs façons. Tout d’abord, comme je viens de le dire, la neige et la grêle rendaient la progression peu lisible et dangereuse. J’ai d’abord cru que la randonnée s’arrêtait au premier plateau que l’on atteint en une vingtaine de minutes, car il offre déjà une superbe vue sur les montagnes environnantes et les rorbus touristiques (les cabanes de pêcheurs de couleur rouge). Il a tout de même fallu être patient pour voir quelque chose avec un temps aussi brumeux. J’ai en effet attendu une demi-heure à gesticuler dans tous les sens pour parer les effets du vent avant que la brume et les nuages ne s’effacent enfin de l’horizon.

Alors que j’étais prêt à redescendre, persuadé que le reste de la montagne était inaccessible (le sol uniformément blanc masquait un potentiel tracé), j’ai tout de même essayé de monter un peu afin de ne pas mourir bête. Grand bien m’en a pris, puisque le vrai intérêt de cette marche réside au bout de cette deuxième montée. On y a une vue imprenable sur la plage d’Haukland et les montagnes qui entourent Leknes. C’était tout simplement à couper le souffle, ce qui m’a beaucoup rappeler certaines randonnées des Îles Féroé. Le bleu du ciel s’étant enfin montré pour quelques minutes, j’ai pu en profiter pour bombarder le sommet de photos.

Il y a une petite boîte en ferraille tout en haut dans laquelle se trouve un livre où l’on peut laisser un petit mot (si on y trouve encore de la place). Je n’avais pas de stylo de toute façon. Je suis redescendu très prudemment par la pente raide, me faisant parfois avaler par les nuages qui prenaient subitement possession de la montagne, avant de rentrer à Leknes à une petite heure de marche.

Justadtinden, au royaume des morts

Je pourrais résumer cette randonnée par les mots suivants : “quand ça veut pas, ça veut pas”. Alors que je l’avais déjà annulée pour cause de mauvais temps lors de mon premier passage à Leknes, je n’ai pas eu beaucoup plus de chance lors de mon deuxième. Contrairement à ce que j’ai dit en introduction, Justadtinden est une balade assez progressive de plusieurs heures et qui vous emmène jusqu’à une vue à 360° sur les vallées.

Profitant du soleil constant de la mi-juin, je m’étais fixé comme objectif d’atteindre la fin de la rando sur le coup des 23h, d’y manger un bout en regardant les couleurs changer avant de retourner dans mon Airbnb. Problème, d’épais nuages s’étaient emparés du ciel et ne semblaient pas vouloir s’effacer. J’effleurais tout de même l’espoir que le dernier plateau demeure au-dessus de la brume, comme c’est parfois le cas d’après certaines photos, et m’offre ainsi un visuel imprenable sur une mer de coton. Hélas, les 700 et quelques mètres d’altitude n’ont cette fois pas suffi.

C’est dans une poix épaisse que j’ai commencé à évoluer sur le tracé, grimpant progressivement vers le ciel, mais j’ai très vite compris que mes espoirs étaient vains. Avec la fine pluie, la boue, la neige, et le fait de ne pas voir plus loin que quelques mètres devant moi, j’ai fini par ne plus savoir où je me trouvais. Heureusement que des cairns étaient placés ça et là pour indiquer le chemin. Ne me fiant qu’à mon GPS, je pense être arrivé aux trois-quarts du parcours (probablement à Steindalstinden) avant de devoir faire demi-tour. Je ne savais pas où aller et je ne voyais presque rien, en témoignent les photos. De surcroît, j’avais l’impression d’être sur le seuil du royaume des morts, sur le point de voir surgir de la brume des ghoules désireuses de me retenir entre les mondes.

J’ai choisi la sécurité et je n’ai pas de regrets. Une fois en haut, je n’aurais rien vu de plus, les nuages ne disparaissant qu’au lendemain en fin de matinée. Et puis au final, la longueur de la randonnée m’a tout de même permis de marcher près de quatre heures lors de cet aller-retour, une bonne balade donc. Justadtinden n’a pas voulu de moi par deux fois, mais quand je vois la chance que j’ai eue d’un point de vue météo à d’autres endroits (voir la partie Moskenes), je me dis qu’il faut savoir être beau joueur.

Autres randonnées possibles :

  • Volandstinden, un sommet au nord de Nusfjord, dans la commune de Flakstad, qui vous donnera une vue sur les dernières petites îles égarées qui vous séparent de Moskenes.
  • Mannen, une marche qui vous donnera une belle vue sur de longues plages de sable blanc, de l’autre côté de ce que l’on voit depuis le sommet d’Offersøykammen.

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