L’horreur est quelque chose de difficile à définir en littérature, et encore plus à trouver. Si la plupart des gens savent à peu près ce qui leur fait peur dans un film, la distance du papier et des mots peut rendre les mêmes angoisses inoffensives. D’autant que les mécanismes de la peur sont difficiles à correctement manipuler, et oscillent trop souvent entre la pornographie gore et la préexistence d’un monstre que l’on sait ne pas être réel.

La vraie peur, celle qui marque, est viscérale. La vraie peur, c’est d’offrir au lecteur un vertige avec une simple idée, de lui faire rallumer la lumière grâce à une simple phrase, ou de le forcer à questionner ses perceptions une fois l’ouvrage refermé. Quoi de mieux alors qu’une histoire courte pour projeter des concepts effrayants avec efficacité ? Si elle est bien construite, une simple histoire de quelques lignes pourrait suffire à scarifier votre imaginaire.

Cette série d’articles a pour but de mettre en lumière des histoires courtes afin de promouvoir des auteurs, des autrices, des sous-genres et des exercices de pensées. Je vais essayer de mêler des œuvres connues et d’autres plus niches dans les sélections, variant entre des textes anciens et modernes, mais je vais m’abstenir (ou en tout cas essayer) de mettre en lumière des textes trop évidents.

PARTIE 1

PARTIE 2

Élégie de Mélanie Fazi

Présente dans l’acclamé recueil Serpentine, Élégie est une nouvelle dont l’horreur ne se dévoile qu’au fil des lignes, floutant les frontières entre le drame personnel et le surnaturel. Le dénouement, que je préfère tenir secret, est l’une des plus pures définitions du fantastique, à savoir la survenance de l’irréel dans notre propre monde. Dans ces quelques pages, on suit le témoignage d’une mère qui semble avoir perdu un ou plusieurs de ses enfants, explorant l’étrange regard des personnes du village ainsi que celui de son mari. Chacun réagit au deuil de façon différente, mais lorsque la solution la plus surréaliste devient aussi la plus probable, la défaillance de sa propre santé mentale n’est jamais très loin.

Lui de Guy de Maupassant

Plongeant le lecteur dans la psyché chancelante du narrateur au fil des mots, Lui parvient à traiter du thème de la paranoïa de façon plus sobre que ce que Le Horla a pu faire. Maupassant part d’un fait de vie tout à fait crédible, un homme qui annonce par lettre à un ami qu’il va se marier, puis invite son personnage principal à s’expliquer sur ce choix en contant les derniers événements de sa vie. Via une prose qui devient de plus en plus erratique et étouffante, on vit en même temps que lui l’emprise de ses obsessions sur sa santé mentale.

Le Peuple Blanc d’Arthur Machen

Considéré par beaucoup comme une pierre angulaire des récits horrifiques, voire même de la nouvelle fantastique, Le Peuple Blanc (The White People en VO) reste assez peu célébré en France comparé aux textes de Lovecraft qu’il a indirectement inspiré. La nouvelle commence par un débat philosophique et théologique sur la nature du péché, sur ce qu’est un pécheur, et des lignes floues qui séparent les bonnes et les mauvaises personnes. Elle bifurque ensuite sur une mécanique narrative très répandue dans l’horreur gothique, celle de l’histoire dans l’histoire. On nous raconte en effet via un carnet vert les tribulations d’une jeune fille dans une contrée aux multiples créatures mystiques. Les descriptions naïves d’une enfant et son incapacité à comprendre les dangers des cultes d’une puissance inconnue font tanguer le récit entre Alice au Pays des Merveilles et Le Labyrinthe de Pan, sans pour autant délaisser son débat initial sur la nature du mal sur Terre.

L’Hôtel de Mariana Enriquez

Lire une nouvelle d’horreur écrite par une autrice qui vient d’un pays dont vous ne connaissez pas forcément l’histoire peut s’avérer frustrant. J’ai vu beaucoup de personnes parler de L’Hôtel (The Inn en VO) comme d’une histoire courte brillante de Mariana Enriquez, une autrice argentine. Pourtant, j’ai eu l’impression d’avoir manqué quelque chose une fois le récit terminé. Il y a dans cette histoire un thème politique que je n’ai compris qu’après avoir fait quelques recherches, et qui traite du négationnisme de la dernière dictature argentine. Il semblerait qu’une partie de la population, plus particulièrement dans les sphères politiques, essaie de glisser sous le tapis tout ce qui peut faire référence aux atrocités de ce régime. Tout cela pour dire qu’il faut lire des œuvres de cultures qui nous semblent lointaines pour étoffer notre compréhension du monde, et cela peut commencer par le recueil Ce que nous avons perdu dans le feu de Mariana Enriquez.

Lieux interdits de Clive Barker

Lieux interdits, ou The Forbidden en VO, est le texte qui a vu naître la légende du Candyman, plus tard adapté en film par Bernard Rose en 1992 (suivi de trois autres films, dont le dernier date de 2021). Si le nom de Clive Barker est immédiatement associé à celui de la franchise Hellraiser, il ne faut pas négliger l’impact que ses nouvelles ont eu sur le pan horrifique de la culture américaine dans les années 80’s. Contrairement au film qui a relocalisé l’histoire aux États-Unis, la nouvelle se déroule à Liverpool (après tout, Clive Barker est Anglais), dans un quartier pauvre où une étudiante va se plonger dans les méandres d’une intrigante légende urbaine, celle du Candyman. Même si vous avez vu les films, la nouvelle a un propos suffisamment différent pour qu’elle puisse s’apprécier indépendamment. Vous la trouverez dans le recueil Prison de Chair (Book of Blood volume 5 pour la version originale).


5 réponses à « 5 Histoires horrifiques à lire la nuit #3 »

  1. Avatar de MON ANNÉE DE LECTURE 2023 – Vagabond Cosmique

    […] les seuls conseils d’internautes, j’ai choisi de mettre en avant la nouvelle L’Hôtel dans un de mes articles sur les histoires d’horreur, sauf qu’après avoir lu le recueil dans son intégralité, il s’agit probablement de […]

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  2. Avatar de A-t-on écrit de bons livres d’horreur cosmique après l’an 2000 ? – Vagabond Cosmique

    […] La version cinématographique de cette question a été posée et répondue ici et ici, et si vous voulez lire d’autres articles axés sur la littérature ou l’horreur, vous pouvez trouver sur ce blog un article sur les livres fictifs, sur le found footage (Marble Hornets et la série V/H/S), ainsi que sur les histoires courtes (ici, ici et ici). […]

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