Après un été passé à écumer la Bretagne, j’entame la rentrée par un endroit qui me ramène à un vague mais très tendre souvenir d’enfance : le Puy de Sancy. J’ai la vivide image d’une montée le long d’un ruisseau dans une grande plaine avant de passer la tête au-dessus d’une crête et d’y contempler un paysage me paraissant infini. À en juger par ma taille sur les photos, je devais avoir entre cinq et sept ans.

En me renseignant à droite et à gauche, et surtout sur le site du Sancy, j’ai décidé d’arpenter l’un des itinéraires en boucle du massif. Il faut savoir qu’il en existe à peu près trois versions “officielles” (après, chacun se débrouille comme il veut) : la boucle complète qui prend six jours, la boucle Ouest qui en prend deux et l’Est qui en prend quatre. Comme vous pouvez le voir dans le titre de cet article, j’ai opté pour l’entre-deux et j’ai choisi la boucle de quatre jours au départ et à l’arrivée de Besse-et-Saint-Anastaise.

Si jamais vous tombez sur cet article et que vous êtes, comme moi, un randonneur peu expérimenté en phase d’apprentissage qui cherche quelques conseils, la suite va être simple : faites l’exact inverse de ce que j’ai fait lors de cette première journée et vous devriez vous en sortir avec les honneurs. Comme je n’ai pas eu l’occasion de renouveler suffisamment mon équipement depuis mon tour de Belle-Île, la problématique du poids du sac demeure la même. À peu près 17kg avec les réserves d’eau pleines (et compte tenu de la chaleur, j’avais besoin de chaque goutte), c’est au minimum deux fois trop.

N’hésitez pas à lire mes précédents récits de randonnées dans le grand Ouest français (ici, ici et ici), La COLCAD, aux Îles Féroé et en Turquie, ou encore à me lire sur l’alimentation, les road trips ou la nuit.

Étape 1 : Fracas et le soleil (de Besse à Chastreix)

L’un des objectifs de cette aventure étant de partir en autonomie (c’est-à-dire sans aller dans un supermarché en cours de route), j’étais prêt à souffrir un peu pour porter mon ravitaillement. Un peu, oui, mais pas autant. La journée démarre pourtant bien grâce à une motivation sans pareil : il est tout pile 7h30 quand je quitte le airbnb à Besse-et-Saint-Anastaise et 7h42 quand je mets le pied sur le sentier estampillé “Boucle de Sancy”. Par ailleurs, si j’avais récupéré des cartes et des tracés .gpx via diverses sources, tout est suffisamment bien indiqué pour pouvoir s’en passer pendant 95% du parcours. De plus, la boucle est jumelée pendant de longues sections avec le GR30 (Tour des Lacs d’Auvergne), ce qui ajoute de la limpidité au chemin à suivre.

Si le poids du sac me pèse et que la nuit trop courte se fait ressentir au bout de quelques heures, c’est la chaleur qui m’épuise le plus. Grâce à une carte pratique fournie par le site du Sancy, je sais que les points d’eau sont assez nombreux sur le trajet et je m’hydrate donc plus que correctement, mais je peine à conserver mon énergie en approchant les 27-28° dès 9h30 du matin.

Petit nota bene en ce qui concerne la carte pratique : C’est très bien de mettre la présence de points de ravitaillement d’eau, mais lorsque ces derniers sont des robinets de sanitaires dont les lavabos sont si peu profonds qu’il est impossible de placer sa gourde de 50cl sous le goulot, on peut vite se créer des problèmes.

Après avoir contourné le très sauvage Lac Pavin, la montée vers la station de sports d’hiver de Super-Besse commence à être compliquée. En plus d’une partie sur goudron pas forcément agréable, le chemin qui longe les enclos de vaches est très étroit et ne laisse aucune place à l’erreur. Problème, j’ai fait ladite erreur. Une demi-seconde d’inattention où j’ai choisi de regarder le paysage plutôt que mes pieds, et où mon trop gros sac au poids mal réparti m’a fait basculer un chouilla vers la gauche, suffisamment pour que l’un de mes pieds se pose à cheval entre le chemin et un trou. Bam, cheville qui tourne. Rien de grave évidemment, loin d’une entorse, mais quand après quatre heures d’une marche qui doit durer quatre jours avec un dénivelé positif total de 2625 mètres vous vous faites une cheville, tous les signaux ne sont pas au vert. Continuer avec un seul bâton de marche au lieu d’en racheter une paire, voilà une autre erreur à ne pas reproduire.

Je décide donc de redescendre sur Super-Besse au lieu de passer par le Puy de Chambourguet pour rejoindre le Puy de Sancy, histoire de manger un peu et de reprendre mon souffle. Je me pose devant le Lac des Hermines, bien moins cinématique que le précédent, et je laisse ma cheville me dicter la suite.

Comme j’ai fait assez de bêtises pour la journée, j’ai choisi de prendre le funiculaire depuis Super-Besse pour gagner un peu de temps et ne pas potentiellement me ruiner la suite du voyage. Je ne vais pas aligner les commentaires dithyrambiques sur la beauté du Puy de Sancy, les images parlent d’elles-mêmes. C’est un endroit à voir absolument si l’on est en France, tant la vue est à couper le souffle à chaque col.

Je regrette, même si je la comprends, l’impossibilité formelle de bivouaquer une fois en haut, car j’aurais aimé me coucher et me lever au rythme du soleil sur l’horizon. Il y a un petit plateau au Puy Redon, depuis lequel on peut descendre jusqu’au Mont-Dore, qui s’y prêterait particulièrement, mais si l’interdiction existe, il y a certainement une bonne raison. Je suis complètement épuisé alors qu’il commence à être l’heure de trouver un endroit pour se poser, et je me souviens avoir vu sur l’une des cartes l’existence d’une zone de bivouac officielle à Chastreix. C’est loin de là où je suis et cela me fait sortir de la boucle Est (1h30 de détour), mais je ne trouverai pas de meilleur endroit en continuant. J’opte donc pour ce détour et arrive un peu avant 18h pour terminer cette grosse première journée.

Durée : 10h

Étape 2 : Le silence des bovidés (de Chastreix au Mont-Dore)

La petite aire de bivouac de Chastreix est parfaitement sympathique, même si en l’absence de toilettes pour cause de maintenance elle n’est ni plus ni moins qu’un cercle dans un champ avec des briques au milieu. Heureusement, elle est jumelée à une aire de camping-car, ce qui m’a permis de remplir mes réserves d’eau. Il est 9h et des poussières quand je décide de décoller, et deux solutions s’offrent à moi pour franchir cette deuxième étape : soit je fais le chemin inverse de la veille au soir et je remonte au Puy Redon pour suivre le chemin officiel de la boucle Est, soit je coupe à travers les plaines via une voie indiquée par Google Maps et qui me ramène sur la boucle à partir du Pic du Capucin.

Si l’étape bonus jusqu’à Chastreix a été particulièrement douloureuse la veille au soir, c’est parce qu’une bonne partie de la descente s’est effectuée sur un chemin de graviers instables faisant la taille de mon poing. Avec une cheville endolorie, je ne me sens pas de remonter par-là. Je ne verrais pas une partie des crêtes, tant pis, mais c’est la raison qui parle.

Ceci étant dit, parler de raison pour le deuxième chemin me paraît un peu exagéré, puisque les jolies plaines vallonnées que je suis supposé emprunter se révèlent être des prairies remplies de vaches et de taureaux. Qu’on se comprenne bien, je ne longe pas des enclos : le chemin est dans l’enclos. Je deviens l’enclos. Alors oui, cela peut faire sourire, sauf que marcher sans protection au milieu de deux-cents ou trois-cents vaches qui arrêtent de bouger et vous fixent donne lieu à de grands moments de solitude. Tout à coup, alors que vous attendez qu’elles s’écartent gentiment de votre passage et que vous contemplez les cornes des taureaux en priant pour qu’ils ne vous voient pas comme une menace, vous vous dites que tout pourrait s’arrêter là, maintenant, si ne serait-ce qu’une seule d’entre elles décide de s’écrouler sur vous.

Mais tout est bien qui finit bien, je n’ai pas eu à fuir devant une attaque. Peut-être ont-elles senti que je n’aimais pas le lait et que, par conséquent, je participais moins que la moyenne à leur exploitation par l’industrie agro-alimentaire.

Inutile de vous décrire chacun de mes pas durant ces quelques heures de hors-piste où j’ai failli perdre mes chaussures dans une flaque de boue qui montait jusqu’aux genoux, ni ma descente lente et pénible vers le Mont-Dore tout au fond de la vallée. Néanmoins, je vais en placer une petite pour Google Maps qui m’a forcé à ramper sous deux grillages barbelés, déchirant un t-shirt au passage, puisque le chemin que l’application m’indiquait comme une voie accessible était en fait clôturé par deux fois. Désolé pour les personnes à qui ces parcelles appartenaient, mais à ma décharge, j’avais déjà marché trois heures avant d’arriver devant le barbelé et il était hors de question que je défie une nouvelle fois la horde de vaches. J’ai ensuite dormi comme un bébé au camping municipal du Mont-Dore.

Durée : 5h

Étape 3 : Repos en pointillé (du Mont-Dore à Murol)

Lorsque je me lève, ma cheville est encore douloureuse, alors je prends une décision : cette troisième journée sera placée sous le signe du repos. Hélas, comme j’ai déjà fait des arrangements en me basant sur une aventure longue de quatre jours, je ne peux pas repousser une étape de vingt-quatre heures. Je n’ai pas le choix, je dois couper à travers la montagne et sauter la plus grosse ascension de la boucle, celle jusqu’au Roc de Cuzeau et le Puy des Crebasses, pour aller jusqu’à Chambon-sur-Lac. Avec ce poids sur le dos et une cheville chancelante, aucune chance que je réussisse à monter. Il vaut mieux dans ce cas-là que j’arrive entier à Besse avant de revenir ici un jour, plutôt que de me blesser plus gravement.

Par conséquent, je passe une bonne partie de la journée sur la plage du lac Chambon avec un des livres que j’avais emporté (Klara et le soleil pour info, que vous retrouverez sûrement dans le bilan de mon année de lecture) après en avoir fait le tour au frais pendant quelques heures. Le soir venu, je me débarrasse de mon sac à dos dans un camping près de Murol, la ville juste après le lac, et, par pur esprit de contradiction, je monte jusqu’au château pour observer la superbe ceinture de Vénus qui illumine le ciel crépusculaire. Du gâteau sans ma surcharge dorsale (c’est faux, la montée est tout de même longue et chiante).

Ce qui est amusant, c’est que cette journée de repos n’a pas été si reposante que cela. Tout d’abord, l’incapacité de certaines familles à faire une sortie sans s’engueuler ou râler constamment a rendu la partie lecture difficile. Sans rire, voir des gens profiter d’un superbe soleil un samedi après-midi pour faire un pique-nique au bord d’un lac, uniquement pour hurler sur ses enfants à la micro-seconde où ils osent s’amuser à plus d’un mètre d’eux et s’engueuler pour des broutilles entre conjoints, c’est terriblement déprimant. La deuxième partie, certainement la plus drôle, c’est lorsque je suis passé devant le camping en réalisant que ce serait sûrement une bonne idée de rester là pour la nuit, dû à l’interdiction de bivouaquer sur la commune du lac, la jeune femme à l’accueil m’a dit “par contre je vous préviens, il y a un rassemblement de motards ce soir et il y aura de la musique à fond toute la nuit”. Je n’ai eu aucun problème à m’endormir, notamment parce que mes propres pensées ont plus de facilité à me tenir éveillé qu’un quelconque élément extérieur, mais il faut admettre que les bruits de moto c’est tout de même particulièrement désagréable.

Durée : 3h

Étape 4 : La balade de l’homme-soif (de Murol à Besse)

Je ne m’inquiète pas particulièrement pour la dernière journée de marche, puisqu’à part une très courte montée particulièrement abrupte, je sais que la quinzaine de kilomètres qu’il me reste à parcourir se fera sur un terrain relativement plat. Ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’est à quel point le chemin serait exposé.

Mis à part un court passage dans la forêt de Courbanges, l’étape qui relie Murol à Besse-et-Saint-Anastaise est une longue traversée de champs sans la moindre trace d’ombre. La fontaine du village de Courbanges, juste avant la forêt, m’ayant permis de remplir mes réserves à fond, je n’ai pas eu de problèmes de déshydratation, mais je peux garantir qu’avec cette chaleur qui n’a jamais quitté le Puy de Dôme, j’ai passé mes heures de marche avec la gourde à la bouche. J’ai cependant pu continuer une tradition que je tiens de mon père, puisqu’il n’y a que lui que j’ai vu faire cela (et maintenant moi), celle de tremper sa casquette dans un ruisseau et de la remettre directement sur sa tête sans la vider. C’est frais, ça réveille, et les randonnées sont les rares moments où l’on peut le faire sans avoir l’air bête.

Coup de chance ou manipulation du destin, un terrible orage a sévi la nuit où je suis rentré. Si ce n’est pas du timing de professionnel, alors je ne m’y connais pas. Ce trek se solde donc par un semi-succès, puisque j’ai dû sauter une partie de la boucle, mais participe à l’apprentissage. Par exemple, si c’était à refaire, je découperai mes quatre étapes différemment au lieu d’avoir un tel delta d’heures de marche entre le premier et le deuxième jour. Ça et le matos. We live and we learn.

Durée : 5h


10 réponses à « La Boucle Est du Sancy »

  1. Avatar de 3 RANDONNÉES SANS VOITURE DEPUIS CHAMBÉRY – Vagabond Cosmique

    […] J’ai donc jeté mon dévolu sur trois (deux et demi, pour être franc) treks à la journée au départ de Cognin, commune collée à Chambéry, tous atteignables en transport en commun depuis le centre-ville. Cette potentielle douce conclusion à la saison des randonnées 2023 vient s’ajouter au GR34, GR340, au tour de Ouessant et à la boucle est du Puy de Sancy. […]

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  2. Avatar de COMMENT CESSER DE S’AUTO-DÉCLARER INCAPABLE ? – Vagabond Cosmique

    […] ans. Cette année, j’ai sérialisé sur ce blog mes débuts en trek (articles ici, ici ou encore là), chose qui, encore une fois, me paraissait totalement hors de portée il y a trois ou quatre ans, […]

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  3. Avatar de Black Metal Hiking – Vagabond Cosmique

    […] La boucle Est du Sancy […]

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  4. Avatar de Les Road Trips de 2022 – Vagabond Cosmique

    […] La boucle Est du Sancy […]

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