Quand on cherche des recommandations de livres de science-fiction, on tombe trop souvent sur les mêmes noms en boucle : Philip K. Dick, Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Frank Herbert, Dan Simmons et autres Ray Bradbury pour les auteurs internationaux; et il en va de même pour les auteurs francophones où l’on peine à sortir de Jules Verne, René Barjavel et Pierre Boulle chez les classiques, Alain Damasio et Bernard Werber pour ce qui est des contemporains.

L’idée de cette liste, et de celles qui suivront, est de mettre en lumière des livres qui sont moins présents dans les recommandations et les tops que l’on retrouve en ligne, mais qui sont loin d’être dénués d’intérêt pour des lecteurs et lectrices avides de voyages littéraires. Cela ne veut pas pour autant dire que les ouvrages présentés sont des gemmes cachées dont seul moi connaît l’existence, et encore moins que les auteurs susmentionnés sont obsolètes ou ne méritent plus d’être cités. Il s’agit simplement de parler de bonnes histoires moins mises en avant. Je vais également glisser un ou deux romans graphiques/mangas par liste afin d’élargir au maximum les découvertes.

Que ce soit un sous-genre méconnu du grand public, un auteur dont on ignorait qu’il avait trempé un orteil dans la SF ou un livre qui a été éclipsé par son film, cette série d’articles explorera ce que la littérature de l’imaginaire peut apporter de différent. Si vous n’avez pas le temps de lire des romans, je vous propose également une sélection de nouvelles qui vous feront travailler le cerveau (partie 1, partie 2, partie 3 et partie 4).

PARTIE 2

Peste de Chuck Palahniuk (2007)

Oui, Chuck Palahniuk a joué avec la science-fiction il fut un temps, et une science-fiction assez corsée. Il est regrettable de toujours devoir présenter Chuck comme “l’auteur de Fight Club”, car cela donne l’impression que sa carrière s’est arrêtée au milieu des années 90, alors que des romans comme Peste ici présent, sorti en 2007, font partie de ses meilleurs. Si vous connaissez l’auteur, vous savez que l’histoire va avoir un côté dérangeant jusqu’au-boutiste qui n’est pas pour tout le monde, mais ne serait-ce que pour sa forme, il est intéressant d’essayer de le lire. Peste (Rant en version originale) est présenté comme une biographie orale racontée par toutes les personnes qui ont croisé le personnage principal, sauf le personnage lui-même. Buster Casey, surnommé Rant, nous est raconté à travers des anecdotes et des dialogues rapportés, sans que jamais nous ne puissions imaginer le son de sa voix. C’est un enfant étrange qui, entre autres, se laisse mordre par des animaux et insectes afin de s’inoculer des maladies et les transmettre à ses camarades, et qui va passer sa vie adulte dans une sorte de monde post-apocalyptique ultra-violent tout en devenant un gourou mystique. Ah, et il y a quelques théories métaphysiques vers la fin du livre qui vous feront vous gratter le crâne. En 2014, les droits d’adaptations avaient été achetés par James Franco, mais il semble désormais peu probable qu’un film sur ce bon vieux Buster sorte de si tôt.

Récursion de Blake Crouch (2019)

J’ai eu un très mauvais pressentiment lorsque j’ai lu les premières pages de ce livre. On y parlait de scientifiques travaillant sur la mémoire et les souvenirs pour une étude sur les dégénérescences mentales. Je me suis immédiatement placé sur la défensive en m’imaginant un livre qui baserait son intrigue, ou a minima un twist narratif, sur une situation qui “en fait n’était qu’un rêve/souvenir”. Fort heureusement, ce n’est pas du tout le cas et Blake Crouch explore un concept bien plus puissant et ambitieux. Je vais spoiler ce concept dans les prochaines lignes, qui arrive assez vite dans l’ouvrage tout de même, et vous invite donc à passer à la recommandation suivante si vous voulez vous y plonger sans aucune information. L’un des deux personnages principaux crée une technologie qui permet de retourner physiquement dans ses propres souvenirs et d’y changer quelque chose afin de modifier la réalité. Peu importe où vous pensez que cette histoire va après avoir lu cette phrase, je vous garantis que Récursion va plus loin. La fin du roman est assez dantesque et terrifiante dans ce qu’elle implique, et nous lecteurs sommes pris dans le même tourbillon que les personnages. Il faut se jeter sur ce livre.

La Trilogie du Rempart Sud de Jeff VanderMeer (2014)

Vous l’ignoriez peut-être, mais la fable d’horreur cosmique Annihilation réalisée par Alex Garland et mettant en vedette Natalie Portman, Tessa Thompson ou encore Oscar Isaac, est issue du roman court du même nom. Le livre appartient à la trilogie dite “Du Rempart Sud” (Southern Reach Trilogy en anglais) aux côtés de deux autres romans : Autorité et Acceptation. Jeff VanderMeer serait apparemment en train d’écrire le quatrième opus de cette saga, mais le livre n’existant pas au moment où ces lignes sont écrites, concentrons nous sur les trois premiers. Dans le monde d’Annihilation, un phénomène inconnu a barricadé une zone, appelée depuis Area X, dans un dôme invisible qui semble affecter tout ce qui y vit et tous ceux qui y entrent. Une organisation gouvernementale ne cesse alors d’envoyer des équipes pour essayer de comprendre ce qu’est cette zone, d’où elle vient et ce qu’elle nous veut. Si le film avait choisi de mettre un accent plus poussé sur l’action, ce n’est pas le cas des livres qui fonctionnent tous sur le principe du slow burn, c’est-à-dire une progression assez lente et maîtrisée des événements et des révélations, jusqu’à ce qu’un élément vienne chambouler nos perceptions de la réalité diégétique. L’intrigue est très axée sur le cérébral et ne satisfera pas nécessairement les amateurs de SF horrifique/Horreur cosmique, principalement à cause de cette impression de stagnation, mais la trilogie reste parmi ce qui se fait de mieux dans la SF moderne.

Un psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers (2022)

Il s’agit du livre le plus récent de la liste, et pour cause, il exploite un sous-genre de science-fiction dont la popularité n’a été établie que dernièrement. Il s’agit de solarpunk, un mouvement d’anticipation futuriste qui s’écarte des thématiques apocalyptiques habituelles pour se concentrer sur, vous l’aurez deviné, un optimisme plus solaire. On peut par ailleurs rapprocher ce mouvement de celui, plus global, du hopepunk. Appartenant à la série Histoires de moine et de robot, Un psaume pour les recyclés sauvages se déroule dans un monde où les humains vivent d’un côté et les robots de l’autre sans jamais se croiser, et où la nature a repris ses droits après un rétropédalage technologique de la civilisation. Un moine décide de quitter son monastère pour devenir marchand de thé et croise dans la forêt un robot, donnant lieu à la première interaction entre humain et androïde depuis des siècles. Le solarpunk étant très ancré dans la possibilité d’un idéal écologique, ce livre et son suivant (Une prière pour les cimes timides) s’inscrivent dans l’idée de la possibilité d’une symbiose entre la technologie, l’humanité et la nature après l’atteinte d’un point de non-retour. Le livre est doux, invite à rêver d’un réensauvagement de certaines zones terrestres, et apporte à notre imaginaire une nouvelle porte à ouvrir, bien loin de celle du défaitisme permanent qui nous ankylose.

An entity observes all things de Box Brown (2015)

J’ai un amour irrationnel pour ce livre. Quelque part dans l’univers, une entité observe toute chose, et ces choses sont formidablement dessinées par Box Brown. Ce roman graphique est composé d’une multitude d’histoires courtes, parfois très courtes, explorant les facettes étranges de l’humanité, des bizarreries sous forme de métaphores, de paraboles ou encore de contes loufoques. Chaque histoire possède une identité visuelle propre très marquée et très soignée qui permet de faire de leur lecture un voyage dynamique. Peut-être un peu trop concise par moments et un peu trop conceptuelle par d’autres, cette BD n’a malheureusement pas trouvé sa place dans le cœur des éditeurs français, puisqu’elle n’a jamais été traduite. C’est bien dommage, car c’est un must read si l’on aime les œuvres singulières, les questions existentielles sans réponse et l’exploration de la psyché humaine à travers des dessins mignons.

Ultra Heaven de Keiichi Koike (2001)

Mangaka très célèbre pour sa transparence concernant sa consommation de drogues en tout genre, Keiichi Koike a, au cours des trois volumes d’Ultra Heaven, expérimenté du mieux qu’il pouvait la forme de ses illustrations. Son histoire se déroule dans un monde où l’usage de drogues est non seulement autorisé, mais surtout encouragé par la loi, projetant le personnage principal dans la quête d’une toute nouvelle substance qui transcende la réalité. Bien entendu, ce manga est un seinen (destiné à un public adulte) et il n’est pas à mettre entre toutes les mains, car les moins matures pourraient trouver incroyables les dessins psychédéliques de Koike tout en oubliant volontairement la réalité dans laquelle les personnages se trouvent. Le manga reste un ovni qui montre la facilité avec laquelle la race humaine peut se faire manipuler si on lui agite la bonne carotte devant les yeux, et possède un intérêt qui s’étend bien au-delà de ses prouesses visuelles.


8 réponses à « 6 Livres de SF que vous devriez lire #1 »

  1. Avatar de 8 FILMS D’HORREUR COSMIQUE POUR INVOQUER LES GRANDS ANCIENS – Vagabond Cosmique

    […] On ne parlera donc pas de The Thing, pas d’Event Horizon, pas d’Antre de la Folie, pas d’Evil Dead non plus ni d’adaptations directes des textes de Lovecraft comme La Couleur Tombée du Ciel (mais regardez tout de même l’excellente adaptation allemande Die Farbe de 2007) ni des multiples tentatives indés de rendre hommage à L’Appel de Cthulhu. Je ne parlerais pas non plus d’Annihilation, dont j’ai fait l’éloge des livres ici. […]

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  2. Avatar de 6 LIVRES DE SF QUE VOUS DEVRIEZ LIRE #2 – Vagabond Cosmique

    […] de la partie 1 de cette série d’articles où je vous propose des livres de science-fiction que j’estime être […]

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    […] entamé ces lectures dans un travail de recherches qui m’a servi à concocter ces deux articles (partie 1 et partie 2) et j’ai rattrapé des classiques encore non lus comme la trilogie 1Q84 d’Haruki […]

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    […] du Rempart Sud de Jeff VanderMeer, puisque je l’ai déjà chaudement recommandée ici, et je ne vais faire que mentionner le roman Let the Sleeping Gods Lie de David J. West, qui se […]

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