Colcad est un mot-valise qui se réfère à une randonnée symbolique reliant les deux villes de la côte catalane que sont Collioure et Cadaqués. Le départ se trouve donc en France et l’arrivée en Espagne. Si vous tapez ce nom sur un moteur de recherche, vous allez rapidement vous rendre compte que ce tracé est vampirisé par les tour-opérateurs qui proposent de vous accompagner pendant une petite semaine (six ou sept jours) de marche pour un tarif avoisinant les 1000€.

Étant personnellement sur des contraintes temporelles moins permissives, je me suis fixé l’objectif de boucler ce chemin en trois jours. Il ne s’agit ni d’arrogance ni de sur-confiance, car les agences passent généralement une journée entre Argelès-sur-Mer et Collioure, et une autre pour le retour depuis Cadaqués. Je n’aurais donc qu’à faire tenir quatre/cinq jours en trois, rien d’insurmontable en soi, surtout que les marches organisées de ce type dépassent rarement les 5h par jour.

Si j’ai parlé dans ma première phrase de randonnée symbolique, c’est parce que celle-ci n’a pas de tracé qui lui soit propre et propose même plusieurs alternatives en fonction des affinités. On commence par un chemin de petite randonnée (balisage jaune) où l’on peut choisir entre sentier montagnard et sentier littoral, puis on bascule sur le GR 92 (balisage rouge et blanc) couplé pendant un temps à un “sentier local” (au balisage espagnol vert et rouge). Il faut donc se fabriquer sa propre voie au fur et à mesure et bien se renseigner en amont sur les choix à effectuer. Néanmoins, les difficultés sont assez neutres et, avec un peu de jugeote, on s’y retrouve aisément.

Randonnée effectuée entre le 13 et le 15 avril.

NDR : Veuillez excuser la piètre qualité des photos par rapport aux aventures précédentes, mais afin de réduire le poids de mon sac au maximum, j’ai élu de ne pas prendre mon gros appareil photo et de me contenter de mon téléphone. Non pas que mon petit réflex soit à couper le souffle non plus, mais la différence reste notable.

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Vitesse et précipitation

Collioure étant une ville touristique très prisée, il m’était impossible de passer la nuit là-bas avant de commencer mon aventure pour des raisons budgétaires (les vacances scolaires venaient, de surcroît, de démarrer). J’ai donc débuté ma journée à Perpignan, qui a la brillante idée de n’être qu’à 20 minutes de TER de Collioure avec des tickets à 1€ si vous vous y prenez quelques jours à l’avance. Je prends donc le train de 7h57 et commence à déambuler avant 8h30. Mon objectif est d’arriver à Cerbère en fin d’après-midi, il faut donc que je cravache sans trop rechigner.

Je prends immédiatement la direction du moulin de Collioure pour rejoindre le sentier montagnard, une belle montée de marches bien âpres pour vous souhaiter la bienvenue, puis je suis le sentier qui monte doucement mais sûrement jusqu’au Fort St Elme. Ce dernier offre un point de vue remarquable sur la ville, parfait pour accompagner mon petit-déjeuner, à savoir une pomme, pendant de courtes minutes. Une fois le fort passé, on bascule de l’autre côté de la montagne en traversant les vignes jusqu’à Banyuls-sur-Mer. C’est très joli, au détail près que l’on reste très proche de la route et du bruit des voitures.

À partir de Banyuls, je change un peu de cap et décide de passer sur le sentier côtier, en partie parce que je tombe dessus en premier, et abandonne un peu la montagne. Je n’irais pas jusqu’à dire que je regrette, car les falaises et les calanques sont toujours intéressantes à explorer, mais après avoir longé les côtes bretonnes en long et en large en 2023, je dois dire que ces paysages m’ont paru répétitifs.

En début d’après-midi, je me prends un petit stop physique assez violent. L’idiot que je suis n’a pas cru intelligent de prendre de la crème solaire, parce que “mi-avril, on est large”, et se retrouve avec le nez et la bouche brûlée. De plus, les barres énergisantes maison (premier test de recette) que j’avais embarquées pour mes repas de midi ne m’apportent visiblement pas le surplus de force espéré. Je me dis alors que j’ai peut-être démarré la journée avec un peu trop de précipitation et que mon corps a du mal à encaisser cet excès soudain d’activité. À 14h, je prends donc la décision de faire une sieste à l’ombre pendant une petite heure afin de faire disparaître le mal de crâne qui est en train de me dévorer.

Au final, je n’aurais pas dû m’exciter autant puisque j’arrive au camping de Cerbère un peu avant 16h, et comprends par là même que j’aurais largement pu dormir un peu plus à Perpignan. Au passage, je ne le nommerai pas par respect, mais je vous déconseille le camping dans lequel je suis allé et qui se trouve au Cap de Peyrefite. Ce sera ma dernière nuit dehors du périple.

Trainer n’est pas tromper

Après avoir dormi sur un terrain en pente et non-tondu, je repars à la fraîche aux alentours de 8h. Il fait pourtant déjà un bon 25°C et il n’est pas impossible que l’après-midi nous apporte des températures ressenties dignes de l’été. Et évidemment, toujours pas de crème solaire, pas plus que de lait hydratant pour m’éviter de ressembler à Sandor Clegane.

Fort de mon expérience de la veille, je décide de sauter une partie du trajet. Dans mon itinéraire de base, je devais m’arrêter à El Port de la Selva pour dormir dans un autre camping, sauf que celui-ci s’est avéré fermé, et l’autre possibilité coûtait aussi cher qu’un hôtel, alors autant prendre un hôtel. C’est surtout l’idée de me retaper du littoral toute la journée qui m’a poussé à aménager mon trajet, parce que je n’attends qu’une chose, c’est de pouvoir relier le dernier segment montagneux. Je prends donc le train à Cerbère et m’offre quelques minutes de trajet jusqu’à Portbou, puis Portbou jusqu’à Llançà. De cette façon, je peux poser mon sac à dos et marcher avec un peu moins de contrainte lors de cette deuxième journée.

Prendre le train, est-ce tricher ? Oui, mais en même temps je ne suis tenu à aucun contrat, alors je fais ce que je veux. Il y avait tout de même une bonne heure de marche entre le camping et la gare, ce qui m’a ôté de la culpabilité. J’en ai profité pour capter quelques mots de la part d’un Espagnol qui semblait dire à sa compagne : “Regarde, il va à Santiago”. Alors, je sais que le bâton de marche peut donner à son allure une certaine aura, mais je ne pensais pas projeter l’image de quelqu’un en plein pèlerinage.

Une fois à Llançà et après avoir fait le tour de leur joli port, je pose mon sac et pars marcher sur le GR jusqu’à El Port de la Selva, histoire de ne pas faire une journée sans marcher. Entre le matin et l’aller-retour jusqu’à la ville, j’aurais tout de même fait presque 4h en poids light. Je ne sais pas comment cette partie de la Catalogne réglemente les nudistes, mais j’en ai croisé plusieurs qui s’aventuraient au skinny dipping entre les rochers. Et je ne parle pas là de bronzage topless sur les différentes plages, mais bien d’adultes dans leur costume de naissance dispersés entre lesdites plages. Ce n’est pas un problème, mais quand on ne s’y attend pas, il y a de quoi être surpris. Quand j’y repense, moi aussi j’aurais dû me foutre à poil et me tremper entre les rochers, elle avait l’air sympa cette eau de mer.

En m’arrêtant au phare de s’Arenella, j’ai appris que ce que j’avais pris tout le long de ma randonnée pour des cactus raquettes basiques (cactus opuntia pour les intimes) étaient en réalité des figuiers de Barbarie. Savoir reconnaître les plantes, les arbres, et avoir des connaissances générales en botanique est un point sur lequel j’ai envie de m’améliorer, et cette petite expérience ne fait que renforcer cette envie.

Crever pour ces moments

Retour aux choses sérieuses pour le troisième et dernier jour. Je suis particulièrement en forme car j’ai du temps devant moi, et plus que ce que je n’espérais d’ailleurs. En effet, pendant longtemps le dernier bus de la journée reliant Cadaqués à Figueres (là où je vais dormir) était à 15h, avant qu’un autre passage à 18h ne soit finalement ajouté, me donnant ainsi une fourchette très large pour effectuer cette dernière étape. Elle se déroule intégralement sur le GR 92 et traverse le Parc Naturel du Cap de Creus via une petite crête offrant un point de vue entre mer et montagne.

Je prends un bus entre Llançà et El Port de la Selva, parce que refaire 1h30 de marche sur un sentier que j’ai fait la veille ne m’intéresse pas particulièrement, et tombe sur le chemin à l’extérieur de la ville un peu avant 11h. Ce dernier consiste tout d’abord en une longue montée continue d’une quarantaine de minutes, avant d’offrir un panorama entre la baie et les Pyrénées. Une fois en haut, le sentier nous offre une bonne heure de marche où la beauté des paysages ne manque pas, même sans le ciel bleu qui a décidé de m’abandonner pour cette ultime journée. Il y a des ruines, des vaches, des arbres, des montagnes, des “puigs”, des “mas”, et tout simplement du bonheur à traverser.

Étant encore loin d’être un athlète prêt à encaisser dénivelé sur dénivelé, c’est toutefois pour ce genre de moments que je me suis mis à marcher, et c’est pour ce genre de moments que je suis prêt à crever sur la montagne. Tout balancer pour vivre cette petite heure le long d’une crête en dominant le territoire catalan. Le sentiment d’être à sa place, le temps d’un souffle, le temps d’une pause.

Le reste du trajet est une longue descente assez casse-gueule jusqu’à Cadaqués. Le terrain, tout comme celui du reste du trek ceci dit, est jonché de gros cailloux sur lesquels on peut facilement se faire une cheville, alors il faut être particulièrement vigilant et bien chaussé. Je suis arrivé sur la plage vers 13h30, j’ai donc “bien bombardé” comme on dit. Le deuxième bus de 18h ne m’aura finalement pas servi, si ce n’est m’assurer une certaine tranquillité d’esprit.

Dernières anecdotes de ce voyage : au lieu de flâner longuement à Cadaqués, j’ai bel et bien choisi de prendre le bus de 15h dans l’espoir de visiter le théâtre-musée Dali, sauf qu’il était fermé le lundi; le lendemain, j’ai eu la désagréable surprise de devoir jeter mon couteau de randonnée douk-douk devant la douane espagnole, car il y a à la gare TGV de Figueres un contrôle des bagages comme à l’aéroport. J’ai eu beau dire que j’avais besoin d’un couteau en randonnée, au cas où, le fonctionnaire n’a rien voulu savoir. Vous êtes prévenus.


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